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Marie-Claude PIETRAGALLA : Danse contemporaine, conditions humaines (video)

Publie le dimanche 14 janvier 2007 par Open-Publishing
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de Marie-Pierre Griffon

Une semaine de répétition à la Mac et déjà l’évidence s’impose… Ce qui se passe sur scène est essentiel. Seule sur le plateau, Pietra tourne dans une robe noire charbon. Ardente, elle se cambre, se plie, se brise et reste en suspend. Le spectateur, qui a eu la chance d’assister à quelques bribes de répétition, retient son souffle. La mine est en colère, elle va exploser, déchirer le corps des hommes et le cœur des femmes… "Conditions humaines" est une allégorie sur la catastrophe des mines de Courrières, mais aussi, de manière intemporelle, sur la condition faite aux hommes et aux femmes face au pouvoir de l’argent.

Durant leurs trois semaines de résidence, Pietra, Julien Derouault et les neuf danseurs de la Pietragalla Compagnie répètent à l’infini les gestes et les phrases de la création. Le public, qui a passé furtivement la tête dans la salle de spectacle, est resté figé. Pénétré par la fièvre, traversé par le rythme remonté droit des ténèbres, presque asphyxié quand les danseurs perdent haleine. Depuis, il attend la première représentation, dans un état d’urgence. Un peu comme si la rencontre de cette création contemporaine et de l’histoire de la catastrophe pouvait rendre vie aux victimes. Comme s’il s’était découvert un lien de famille étroit avec les mineurs, emprisonnés le 10 mars 1906, dans les galeries incendiées…

Authenticité

Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault ont posé leur regard sur le pays minier depuis près de neuf mois. Ils ont marché sur la terre charbonneuse du 11/19, ont observé les cités, écouté les veuves, entendu les histoires des gueules noires. Il y a quelques mois, ils ont contacté les résidents du foyer logement Jacques-Duclos à Sallaumines. Ils ont partagé le repas avec un groupe d’anciens mineurs et leurs épouses, se sont arrêtés sur leur vie et leurs conditions de travail. « J’ai eu le privilège de rencontrer des gens d’une grande authenticité… déclare Pietra. J’ai été très sensible aux femmes de mineur. Celles qui, en 1906, avaient perdu leur mari et leurs enfants et qui pourtant continuaient à les attendre à la grille du coron ou à mettre la table pour tous. Je me suis passionnée pour leur solitude, leur rituel, le lever du matin, le jour du linge… Je m’intéresse aujourd’hui à leur manière de soutenir financièrement deux ou trois générations… »

Julien Derouault a partagé la mise en scène et la chorégraphie de « Conditions humaines » avec Pietra. « Les témoignages recueillis, pose-t-il, ont généré l’émotion qui a nourri cette création. Pour raconter l’histoire des mineurs, la danse est plus que légitime car leurs corps, comme les nôtres, sont des outils de travail… » Julien s’est laissé toucher par « l’énorme solidarité » qui a uni le monde de la mine, même si « chacun gardait son identité, sa personnalité et sa propre histoire. » Mille individualités pour une seule fraternité. « Aujourd’hui, les individualités sont plus déterminées et il y a un manque, poursuit le danseur. Les chevalets sont tombés, que reste-t-il ? »

Dans « Condition humaines », les danseurs sont pluriels, issus de pays différents, de formation variée : classique, contemporaine, hip hop… Les musiques du spectacle sont belges, tibétaines, polonaises… ou bruits d’usine. Mille couleurs pour un seul ballet.

Le combat social

La catastrophe des mines de Courrières n’est que le point de départ du spectacle. Pas question de fresque historique. Il s’agit ici de poésie, de métaphore et surtout d’humilité. Il s’agit aussi d’évoquer implicitement « combien la productivité fait fi de la condition humaine ». Ce sont les mots de Catherine Génisson, conseillère régionale. Avec le président, Daniel Percheron, elle est à l’origine de la résidence de Marie-Claude Pietragalla dans le Nord – Pas-de-Calais. Evoquant les sauvetages arrêtés prématurément en 1906 pour que reprenne l’extraction du charbon, l’élue s’interroge sur le mépris pour l’homme à travers les siècles. « En 2006, l’environnement économique est différent mais le combat social continue toujours. On cède au pouvoir de l’argent face à l’être humain et au contrat qui doit unir le travailleur avec son employeur… »

http://www.echo62.com/menactu1.asp?id=1012

http://www.pietragalla.com/

Marie-Claude PIETRAGALLA en vue des représentations de Conditions Humaines au Palais des Sports de Paris du 23 au 25 mars 2007

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