La centralité des migrants dans l’étude des processus de mobilité humaine transfrontalière
Guillermo Castillo Ramírez
Dans le contexte du développement du néolibéralisme et dans le cadre des processus d’expansion spatiale de la mondialisation, les migrations internationales ont été l’une des expressions des processus d’inégalité et d’exclusion sociale du capitalisme contemporain. Les mobilités transfrontalières des populations étrangères à travers différents pays ne se sont pas seulement produites en raison d’une série de dynamiques de nature macroéconomique telles que l’augmentation de la pauvreté, la détérioration de l’appareil productif au niveau international dans les pays d’origine, la demande de main-d’œuvre dans les chaînes de production mondiale du Nord, la détérioration des conditions de vie matérielles du Sud. Ces mobilités sont aussi l’expression des pratiques et des stratégies de divers sujets sociaux et populations étrangères pour surmonter les conditions de vie défavorables dans leurs pays d’origine.
Depuis la production mondiale et régionale de connaissances de certaines sciences sociales sur les migrations, il existe diverses disciplines qui, utilisant fréquemment des approches méso/macro (qui minimisent l’action individuelle et sociale), se sont concentrées sur les conditions historiques-structurelles de nature matérielle qui expulsent populations (Économie), la dynamique de la mobilité humaine spatiale transfrontalière des flux -avec leurs caractéristiques socio-spatiales respectives- (Démographie et Géographie), et l’analyse du rôle des États nationaux -notamment de destination- dans l’accueil des étrangers populations (science politique et relations internationales).
Cependant, au sein de ces études migratoires dans différentes régions du monde (Amérique, Europe, Afrique et Asie), peu d’approches se sont focalisées sur les migrants dans leur condition de sujets sociaux et avec des capacités d’action et d’agence différentes (de l’utilisation réseaux sociaux, pratiques d’accompagnement des migrants et de réciprocité, voire stratégies d’invisibilité, actions collectives et formes d’organisation temporaire -caravanes-, dynamiques de visibilité médiatique à des fins de protection). A l’instar des approches d’Abdelmalek Sayad et de l’autonomie des migrations, il faut des regards critiques qui s’éloignent des lieux de neutralité (apolitiques) et de la tour d’ivoire d’une grande partie de l’académie. À partir de son propre échafaudage théorique disciplinaire, il est nécessaire de transcender les rapports de force de la production de connaissances (et de son usage socio-politique), et de faire des exercices de positionnement qui permettent une approche plus approfondie des migrations.
Dans cet ordre d’idées, Humaniser la déportation est un exemple de projet qui produit des exercices collaboratifs entre sujets sociaux (migrants) et universitaires, afin de rendre visible ces populations étrangères irrégulières et leurs conditions de vie précaires. Il s’agit d’un projet binational (Mexique/USA), bilingue, collaboratif, de nature communautaire et dont les résultats sont publics et librement accessibles sur Internet ( http://humanizandoladeportacion.ucdavis.edu/es/ ). L’axe de ce projet est la co-élaboration de récits des migrants eux-mêmes, selon leurs propres priorités, langues et désirs. Il s’agit d’une plateforme numérique où l’on met l’accent sur les migrants, et notamment sur leurs expériences et motivations personnelles, familiales et collectives. Entre autres sujets, les migrants eux-mêmes abordent la déportation (et ses conséquences), la violence aux frontières, la séparation familiale, le déracinement, l’adversité, la criminalisation, le contrôle de l’immigration, mais aussi la dynamique du soutien familial et parmi les migrants, les rêves et les aspirations des migrants, entre autres.
Ces types de projets montrent qu’il est nécessaire (et possible) d’aller vers d’autres manières de créer, critiquer, retravailler et diffuser les savoirs à des fins sociales. C’est un projet avec, depuis et pour les sujets sociaux concernés. Ceci dans le cadre de la contribution aux processus qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie des migrants, ainsi qu’à renverser et contrecarrer les dynamiques sociopolitiques et économiques d’exclusion et de criminalisation qui les rendent invisibles, les marginalisent et les violent.
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